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Un argumentaire solide contre la dérogation au chalutage côtier

Nous publions ci-après un texte particulièrement bien argumenté contre le projet de décret autorisant la pêche dans au chalut dans la zone des 3 milles nautiques de la côte.

Nous devons cette analyse pertinente à l'un de nos plus fidèle soutien, Philippe ...Nous le remercions de ce document particulièrement bien pensé et utile dans cette période où tous les citoyens concernés par la ressource marine s'inquiètent des dérives qui continuent à aggraver  une situation dramatique des populations d'espèces côtières.

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Je souhaite faire connaître mon avis sur cette autorisation accordée par période triennale depuis des dizaines d'années aux chaluts d'ARCACHON pour pêcher au ras des plages girondines (1/3 de mille de juin à octobre, 1/2 mille de novembre à mai).
J'estime que cette dérogation à la loi n'est pas acceptable pour les raisons suivantes, qui sont ensuite  développées. 
Mais j'estime aussi qu'elle est entâchée d'illégalité autant sur la forme (Code de l'environnement) que sur le fond (PCP (2) de l'UE (3).
 1.    Cette autorisation fait l'objet d'une consultation publique non motivée comme l'exige pourtant l'article L120-1 du code de l'environnement, 
 2.    Cette autorisation est en réalité une dérogation à  l'article D922-16 du code rural et de la pêche maritime, mais n'est pas présentée comme telle au public.
 3.    À l'heure de la diminution des ressources marines, elle est contraire à la PCP de l'UE qui fait la promotion d'une pêche durable.
 4.    Proposer une pratique sans le moindre aval scientifique et dont il est pressenti qu'elle sera condamnée par l'analyse des risques en cours est contraire au principe de précaution de la PCP.
 5.    Les possibilités de pêche perdues du fait de l'activité du CEL sont de moins en moins importantes du fait de la diminution de l'activité du CEL.
 6.    Le devenir le plus légitime de la zone interdite au large du CEL est celui d'une vraie aire marine protégée, définitivement interdite à la pêche sans compensation aucune.

(1) Le projet d'arrêté ne fournit aucune motivation ni aucune justification à la dérogation qu'il se propose de renouveler.
Or, l'article L120-1 du code de l'environnement précise que "la participation confère le droit pour le public d'accéder aux informations pertinentes permettant sa participation effective".
Cette absence d'information fait donc apparaître ce processus comme entaché d'illégalité: comment le public pourrait efficacement participer à cette consultation s'il n'est pas informé du pourquoi de cette initiative ni de son impact environnemental ou de son historique?
(2) La  note de présentation réduite à une phrase ne rappelle pas que la pratique du chalutage dans la bande marine des 3 MN est interdite par la loi (article D922-16 du code rural et de la pêche maritime):
 "L'usage des filets remorqués est interdit à moins de trois milles de la laisse de basse mer des côtes du continent et de celles des îles ou îlots émergeant en permanence." 
C'est pourtant une information fondamentale pour éclairer le public désireux de participer à cette consultation et de donner son avis que un sujet devenu très sensible en matière environnementale.
Cette règle a été formulée parce que la bande côtière est particulièrement fragile et sensible. Ses fonds sont trop facilement dégradés par les arts trainants. La faible hauteur d'eau ne laisse aucune chance aux bancs de poissons. C'est une zone de migration pour de nombreux poissons, comme le saumon par exemple qui cherche "l'odeur" de sa rivière en longeant la côte, et une zone de vie privilégiée pour le bar dont le stock est en situation périlleuse.
(3) Cette dérogation ignore l'effet sur les autres métiers, y compris sur ceux de l'industrie de la pêche amateur, régulièrement négligés mais pour qui les plages d'Aquitaine sont devenues de vrais déserts. 
Or la Politique Commune de la Pêche impose par l'article 17 du règlement (CE) 1380/2013 du 11-12-2013 que "lors de l'attribution des possibilités de pêche ...les États membres utilisent des critères transparents et objectifs, y compris les critères à caractère environnemental, social et économique." 
" Les États membres s'efforcent, dans le cadre des possibilités de pêche qui leur ont été allouées, de proposer des incitations destinées aux navires de pêche qui déploient des engins sélectifs ou qui utilisent des techniques de pêche ayant des incidences réduites sur l'environnement, notamment une faible consommation d'énergie et des dommages limités aux habitats."
Les chalutiers de fond dont il s'agit ici sont reconnus pour être les engins les moins sélectifs, qui dégradent les fonds marins et qui sont énergivores, fussent-ils "inférieurs à 17m50 et de moins de 330 kW". En accordant une dérogation favorable à ces engins, cette dérogation prend donc le contre-pied de la PCP qui propose au contraire de prendre "des mesures d'encouragement, y compris celles revêtant un caractère économique telles que l'octroi de possibilités de pêche, afin de promouvoir des méthodes de pêche qui contribuent à mener une pêche plus sélective, à éviter et à réduire dans la mesure du possible les captures indésirées et à recourir à des pratiques de pêche ayant une faible incidence sur l'écosystème marin et les ressources halieutiques" (article 7 du règlement (CE)  1380/2013 du 11-12-2013)
(4) Le chalutage de façon générale est condamné partout dans le monde parce que c'est une technique aveugle, non sélective qui dégrade les fonds marins, consomme beaucoup de fioul et produit une masse de rejets inacceptable. Dans le cas présent, cette dérogation n'est soutenue par aucune étude scientifique ni aucune étude d'impact: et c'est ainsi depuis ... près de 50 ans.
Le projet d'arrêté explique même que les conclusions d'une analyse de risque en cours "pourraient amener à une modification de l’utilisation du chalut à moins de trois milles de la laisse de basse mer au sein de la zone Natura 2000 FR7200679 « Bassin d’Arcachon et Cap Ferret ". À ce propos, il aurait été bien suspect qu'une telle analyse puisse conclure autre chose ...
Tous ces éléments condamnent donc cette proposition de renouvellement qui est contraire au principe de précaution de la PCP rappelé dans l'article 4  du règlement (CE)  1380/2013 du 11-12-2013: "approche selon laquelle l'absence de données scientifiques pertinentes ne devrait pas servir de justification pour ne pas adopter ou pour reporter l'adoption de mesures de gestion visant à conserver les espèces cibles, les espèces associées ou dépendantes, les espèces non cibles et leur environnement."
(5) Réduit à deviner la motivation de cette dérogation , j'imagine qu'elle est peut-être liée aux activités du Centre d'Essais des Landes de BISCARROSSE qui interdisent la présence de bateaux de pêche dans certaines zones et à certaines dates. 
La dérogation à la loi serait alors une sorte de "compensation" au titre des ces possibilités de pêche perdues.
Si tel est le cas, nous faisons remarquer que depuis quelques années, cette activité de tir de la part du CEL (1). s'est considérablement rétrécie avec l'évolution de la stratégie et du budget national de la défense, de sorte que les créneaux interdits sont désormais beaucoup moins nombreux que par le passé. Nous en voulons pour preuve la cure d'austérité subie par le CEL au décours du 5ième et dernier tir de validation du missile M51 en 2010.
Ensuite, ces activités sont bien sûr toujours programmées: Il suffit d'ailleurs aux bateaux de demander l'autorisation de pêche par téléphone pour l'obtenir quand le planning le permet. 
Si compensation il doit y avoir, elle devrait n'être accordée qu'au prorata temporis de l'activité de tir réelle du CEL
Pourquoi ce surprenant principe de compensation n'est-il d'ailleurs réservé qu'à la pêche professionnelle: ici, la pêche amateur pâtit des mêmes zones interdites et même 365 jours par an, quelque soit l'activité réelle du CEL. Quelle est la compensation pour elle: subir le passage de chaluts au ras des plages girondines.
(6) En définitive, cette probable "compensation" mise en place en 1969 au décours de la création du CEL (1962) est devenue une bien mauvaise idée après que plus d'un demi-siècle se soit écoulé. 
Aujourd'hui, les ressources marines s'effondrent, l'heure est à la création de réserves marines suffisamment étendues: c'est ça l'urgence, et la présence du CEL est un argument fort pour la création d'une telle zone entre BISCARROSSE et MIMIZAN... sans compensation bien entendu qui annulerait l'effet recherché.
Voilà la bonne direction dans laquelle notre société doit s'engager, et c'est d'ailleurs celle qui est indiquée par la directive-cadre stratégie pour le milieu marin (2008/56/CE).
Cette proposition de renouvellement ne traduit qu'un vieil arrangement entre quelques uns. 

(1) CEL: Centre d'essai des Landes (champ de tir de l'armée)

(2) PCP: Politique Commune de la Pêche

(3) UE: Union Européenne


Date de création : 14/12/2017 14:19
Catégorie : - Aquitaine